L’AGE D’OR 1970 – 1976
Lorsque le 5 octobre 1969 sortit l’album In the court of the crimson king, une nouvelle ère musicale s’ouvrit : le rock progressif était né. Mais qu’est-ce donc qui le différenciait des autres musiques de l’époque et en faisait une entité à part entière ? Il était d’origine européenne et presque totalement anglaise. Il intégra des univers musicaux différents (classique, musique indienne, folk, jazz, etc...) ainsi qu’une « imagerie » très inventive dans le graphisme des pochettes et la sophistication des jeux de lumière. Il donna surtout une place primordiale à de larges développements instrumentaux le plus souvent extrêmement structurés, composés de variations, de cassures, de structures rythmiques complexes dans une alternance électronique/acoustique avec les claviers comme instrument dominant. Un seul dénominateur commun à des groupes si différents les uns des autres : la virtuosité musicale et la création d’une musique cérébrale dont l’écoute permet une forme de méditation personnelle et d’exploration spirituelle. Le miracle vint du fait que chaque formation majeure provoquait une émotion particulière à l’auditeur. Nous avons déjà évoqué Moody Blues et Procol Harum dans notre précédent numéro. Pink Floyd restera à part, puisqu’étant le groupe progressif le plus populaire et le seul à avoir réussi l’alchimie parfaite : à la fois pionnier du psychédélisme et pilier du rock progressif symphonique. Caméléon surdoué, King Crimson surfera entre rock, jazz et musique planante jusqu’en 1975, dans un cycle de créativité exceptionnelle. Emerson, Lake and Palmer personnifia le classicisme revu et corrigé. Yes fut le chantre du symphonisme triomphant en créant une architecture musicale ambitieuse. Véritable diamant noir, Van Der Graaf Generator fit éclore un son unique entre douceur et violence très en avance sur son époque. Inventif à chaque note, Gentle Giant proposa une fusion de jazz, de folk, de rock et de classique. Quant à Genesis, héraut d’un romantisme musical, il devint de plus en plus populaire. Caravan s’imposa avec la délicatesse et la beauté de ses mélodies teintées de jazz. De Jethro Tull, on retiendra l’apport de la musique celtique et de Camel une musique aérienne d’une grâce inouie avec une osmose parfaite entre les claviers et la guitare. Ainsi, ces formations apportèrent fantaisie, talent et créativité. Très vite, toute l’Europe se mit au diapason, chaque pays ajoutant une touche particulière au rock progressif anglais : la France et un côté théâtral prononcé avec Ange, Mona Lisa, Atoll et Pulsar,
La liste en serait très longue car systématiquement, derrière un premier cercle de groupes majeurs, émergea un second cercle, composé de formations plus éphémères. Tout ce beau monde poursuivait tranquillement son petit bonhomme de chemin lorsque l’onde de choc du punk mit tout le monde face à ses responsabilités. Le punk d’origine ouvrière était tout le contraire du rock progressif : musique primitive, textes directs, messages offensifs, critiques du système. Les punks virent très peu de résultats concrets de l’amour, de la paix et de la compréhension. Au contraire, ils purent constater que la contre-culture était la victime du même matérialisme et de la même hypocrisie que les hippies eux-mêmes avaient dénoncés de manière si véhémente. C’est pour cette raison que le rock progressif, enfant légitime de la contre-culture, et ses rock-stars furent attaqués de manière si violente. Ainsi, une page se tournait, laissant les musiciens dans une grande perplexité. Beaucoup de groupes se séparèrent, d’autres prirent des chemins bien différents. Mais de tout cela nous vous parlerons dans le troisième et dernier volet de l’histoire du rock progressif...
Raymond Sérini
Genesis fut le groupe qui révéla Phil Collins et Peter Gabriel. Entre 1970 et 1975, le groupe enregistra cinq albums de très très grande qualité. Sa musique consistait en de longues suites baroques aux multiples changements de rythmes : l’alchimie était parfaite entre un chanteur au timbre de voix unique (Gabriel), un guitariste surdoué (Steve Hackett), un organiste considéré comme un des meilleurs mélodistes de l’époque (Tony Banks), un batteur fabuleux (Collins) et un bassiste excellent compositeur (Mike Rutherford). Toutefois, peu de gens savent que le premier guitariste de Genesis s’appelait Anthony Phillips. Celui-ci est une personnalité de tout premier ordre, privilégiant la création artistique, l’intégrité et la construction d’une œuvre cohérente dans une musique de qualité harmonieuse et pleine de noblesse. Il quitta Genesis en 70, juste après la sortie de Trespas et composa des albums très variés, en mettant en avant tantôt la guitare ou les claviers, tantôt les atmosphères intimistes, presque « new age » ou totalement symphoniques. On distinguera plus particulièrement son chef-d’œuvre The geese and the gost de 1977 et Wise after the event de 1978, Tarka de 1988, Slow dance de 1990 et New England de 1992.
Issu des expériences psychédéliques du Pink Floyd et de Soft Machine, le rock cosmique allemand fit son apparition dès le début des années 70. Le plus célèbre, Tangerine Dream, créa une musique électro-acoustique à l’opposé des critères du rock traditionnel avec un son fait de boucles, de vagues, de spirales rythmiques. Amon Duul II proposait une muem>sique hallucinée, sidérale, Popol Vuh, Ash Ra Tempel, Can (précurseur de la